Interview du Docteur Marc APAP, chirurgien-dentiste à Saint Germain en Laye :
En tant que chirurgien dentiste, quelles sont vos spécialités et votre implication dans le domaine dentaire ?
Omnipraticien, j’exerce en cabinet libéral depuis une vingtaine d’années. Durant les années 1980, j’ai été assistant hospitalo-universitaire en Odontologie conservatrice et Endodontie : mes domaines de prédilection !
Depuis une quinzaine d’années, je me suis intéressé à l’évaluation clinique des produits et petits matériels dentaires. A ce titre, j’ai collaboré à la rédaction de plusieurs magazines professionnels et je rédige actuellement une rubrique mensuelle de tests dans la revue Clinic (Editions CdP).
Enfin, je suis depuis longtemps impliqué dans les problèmes d’ergonomie dentaire. Peu avant sa disparition en 2003, le Pr. Sacha BOGOPLOSKY m’a confié la présidence de l’Association Française d’Ergonomie et de Gestion Dentaire. Je suis également membre de l’ESDE (European Society of Dental Ergonomics).
Pouvez-vous me parler de l’importance de l’ergonomie dans le domaine dentaire ?
Contrairement à ce que pense le grand public, les patients ne sont pas seuls à souffrir dans un cabinet dentaire ! Chirurgiens-dentistes et personnel soignant sont soumis à un stress permanent. Les positions qu’impose le travail en bouche peuvent se révéler extrêmement contraignantes. Résultat, près de 65 % des praticiens, partout dans le monde, ont mal au dos, au cou ou aux épaules, ou ont éprouvé ce genre de douleurs au moins une fois dans leur vie.
Pourtant, les méthodes existent pour éviter les mauvaises postures et les troubles musculo-squelettiques qui en découlent. Elles passent par le choix d’un équipement adéquat, le positionnement correct du patient, du praticien et de son assistante, et l’apprentissage d’une gestuelle adaptée, en particulier le travail en vision indirecte.
Quels sont les principaux avantages de l’utilisation de loupes binoculaires ?
Les loupes binoculaires offrent deux avantages :
- une meilleure qualité de soins
- un confort de travail accru
Préparer une cavité, éliminer plus précisément la dentine cariée, délimiter plus finement un congé prothétique ou une obturation en composite améliorent la pérennité de nos traitements et la santé dentaire et parodontale de nos patients.
En endodontie, les loupes permettent de mieux distinguer les structures anatomiques, de situer sans équivoque les entrées canalaires, de diagnostiquer rapidement fêlure ou perforation radiculaire. En parodontie, les résidus de tartre sous-gingival sont mieux repérés : bon nombre d’interventions sous loupes binoculaires, une fois qu’on en a acquis la maîtrise, se révèlent plus rapides et plus sûres.
Les loupes présentent un autre intérêt fondamental : l’amélioration des positions de travail. Mais attention, cela n’est vrai qu’à la condition d’être parfaitement adaptées à celui qui les porte.
Quels conseils pourriez-vous donner aux praticiens pour le choix de leurs futures loupes binoculaires ?
D’abord, ne pas choisir d’emblée un grossissement élevé. Tous les ergonomes s’accordent sur un point : il faut privilégier le grossissement le plus faible possible, pour travailler sans effort, avec un champ de vision le plus large qui soit. Plus le grossissement augmente, plus la plage de netteté diminue, et le champ se rétrécie. Les spécialistes estiment qu’il ne faut pas dépasser 2,5 x en usage courant. On recherchera, bien évidemment, des optiques d’excellente qualité, dotées d’un bon pouvoir séparateur et d’une luminosité optimale.
La distance de travail doit être choisie avec soin. Les binoculaires permettent d’observer une image agrandie tout en restant éloigné du sujet. Bon nombre de praticiens, surtout les plus jeunes, pensent voir mieux en se rapprochant de leur patient, ce qui est très préjudiciable à la santé du rachis. Grâce aux loupes, on peut voir aussi bien que de près, mais en se tenant à environ 40 ou 50 cm de la bouche du patient. Avec la bonne distance de travail, en position assise et à condition que le patient soit allongé, et placé à la bonne hauteur :
Reste le problème de l’inclinaison de la tête du praticien. Le dentiste ne doit pas pencher la tête de plus de 20° par rapport à la verticale, sous peine de tensions importantes dans les muscles de la nuque. En position de travail normal, nous baissons les yeux en direction du champ opératoire. Les optiques des loupes doivent se placer assez bas sur le visage (à peu près au niveau des pommettes), pour être dans l’axe du regard quand la tête est à peine fléchie. La monture, le bandeau frontal ou le casque doivent donc permettre d’incliner les optiques suffisamment vers le bas. Dans le cas contraire, elles entraînent un port de tête plus défavorable que lorsque l’on travaille sans aides optiques.
Un modèle à conseiller ?
Ne comptez pas sur moi pour conseiller d’acheter tel type ou marque de loupes les yeux fermés ! Un modèle peut très bien convenir à certaine personne et pas à une autre. Cela dépend des caractéristiques musculo-squelettiques de chaque praticien. Car, on le sait bien, il n’existe pas d’individu « standard ».
La qualité des optiques est un élément indispensable à prendre en compte, mais c’est loin d’être le seul. Plus les possibilités de réglages ou d’ajustement sont nombreuses, plus grandes sont les chances de trouver un équipement adéquat.
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